Pour la première fois dans une COP, l’agriculture durable et les systèmes alimentaires résilients mobilisent l’engagement de 159 pays.
La 28ème Conférence des Parties a réuni 85 000 participants. À Dubaï, ce sont des chefs d'État, les gouvernements, des financiers, des industriels, des lobbyistes, des experts, des militants et des ONG qui ont discuté, débattu, négocié pour s’accorder sur les enjeux et les solutions liés au réchauffement climatique. Si la « transition vers la sortie des énergies fossiles » est au cœur des discussions, pour SOS SAHEL, la COP28 est avant tout marquée par l’entrée de l’agriculture durable dans l’agenda climat. Après Koronovia et le programme de Charm el-Cheick, la "Déclaration des Émirats Arabes Unis sur l'agriculture durable, les systèmes alimentaires résilients et l'action climatique" est enfin une reconnaissance pour les organisations de la société civile qui peuvent s’appuyer sur l’engagement de 159 pays.
Contenu de la Déclaration
Le vendredi 1er décembre 2023, 159 pays ont reconnu les menaces, issues des conséquences climatiques, “sans précédent” qui pèsent sur les systèmes agricoles et alimentaires, ainsi que sur la capacité de nombreux pays à nourrir suffisamment leurs populations. Après une journée de discussions, ils ont signé une Déclaration. Mais que contient-elle réellement ?
La déclaration comprend une liste d’objectifs engageant les pays signataires à prendre des mesures politiques pour protéger les systèmes alimentaires et agricoles de la forte pression climatique. Les cinq grands objectifs sont les suivants ;
• Réduction de la vulnérabilité des agriculteurs et des producteurs alimentaires face au changement climatique en fournissant un soutien financier et technique pour des solutions durables, respectant la nature.
• Promotion de la sécurité alimentaire et la nutrition grâce à des approches sociales : filets de sécurité sociale, programmes d’achats publics, innovation, recherche.
• Soutien aux travailleurs, notamment les femmes et les jeunes, dont les moyens de subsistance sont menacés par le changement climatique. Maintenir des conditions de travail inclusives et décentes en adoptant des approches adaptées, comme augmenter, adapter et diversifier les revenus.
• Améliorer la gestion de l'eau dans l'agriculture et l'alimentation à tous les niveaux pour assurer la durabilité et réduire les impacts négatifs sur les communautés concernées.
• Optimiser les bénéfices climatiques et environnementaux de l'agriculture en préservant les terres, en améliorant la santé des sols et en passant à des pratiques de production plus durables, tout en réduisant les pertes alimentaires.
Concrètement, les pays se sont engagés à intégrer des systèmes agricoles et alimentaires durables dans leur stratégie de lutte contre le réchauffement climatique. Longtemps perçus uniquement comme des émetteurs de gaz à effet de serre, ces systèmes sont désormais reconnus comme des solutions face au réchauffement climatique et à ses conséquences, notamment en termes de stockage de carbone et de lutte contre la faim. Ainsi, par le biais de cette déclaration, les objectifs précédemment énumérés doivent maintenant être intégrés dans les Contributions Déterminées au niveau National (CDN) des pays signataires, c'est-à-dire dans leurs plans d'action climatique visant à atteindre les 17 Objectifs de Développement Durable.
Pour guider cet engagement, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a présenté une feuille de route visant à atteindre l'ODD 2, qui vise à "éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir une agriculture durable", tout en limitant le réchauffement climatique en dessous du seuil de 1,5°C. En conséquence, au cours des trois prochaines années, les pays mettront en œuvre des mesures concrètes en matière d'investissement et de politiques à l'échelle mondiale pour concrétiser la Déclaration des Emirats Arabes Unis sur l'agriculture durable, les systèmes alimentaires résilients et l'action climatique.
Un appel à l’action !
Ici, c'est l'engagement des pays qui marque un point décisif dans la considération des systèmes agricoles et alimentaires durables et résilients. Les recherches, la prise en compte des acteurs, les bâtisseurs de cette résilience face au réchauffement climatique seront à présent davantage sollicités, observés et écoutés. C’est par ailleurs l’action commune de Koronovia qui est précurseur de l’implémentation du sujet dans les feuilles de route et l’agenda climatique.
En effet, en 2017, lors de discussions en marge, on reconnaît le potentiel unique de l'agriculture durable dans la lutte contre le réchauffement climatique. Les pays décident, d’un commun accord, de travailler conjointement pour que l'agriculture contribue à la sécurité alimentaire et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ensuite, à la COP 27 en Égypte, à Charm-El-Cheikh, l'agenda représente le premier plan mondial complet visant à rallier les acteurs non étatiques et étatiques derrière un ensemble commun d'actions d'adaptation requises. Ce plan repose notamment sur la transition vers une agriculture durable et résistante au climat, capable d'augmenter les rendements de 17% et de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 21%, sans élargir les frontières agricoles, tout en améliorant les moyens de subsistance des agriculteurs.
Ce qui est très intéressant, c'est le couplage entre la protection et la restauration d'environ 400 millions d'hectares de zones forestières pour soutenir les communautés locales en utilisant des solutions naturelles et la transformation de 2 milliards d'hectares de terres, ainsi que la promotion de systèmes alimentaires résilients. Ici, c'est précisément ce que représentent les actions de la Grande Muraille Verte.
Lors d'un discours à la COP 28 à Dubaï, Macky Sall s'est exprimé sur ce programme panafricain et a rappelé un point essentiel : « La mise en œuvre de la Grande Muraille Verte nécessite d'abord une mobilisation soutenue des communautés de base, surtout en milieu rural, et des organisations de la société civile engagées dans la lutte pour la préservation de l'environnement ». Ce point de mobilisation des organisations de la société civile ne cesse d'être abordé et placé au centre des stratégies d'actions.
Dans un communiqué de Farmers Constituency, Zakir Hossain du Bangladesh, un militant, réagit et s’exprime face à la Déclaration. Il rappelle qu’il est temps de passer à l’action. Il déclare que les voix des agriculteurs doivent être entendues et appelle à une plus grande considération des priorités dans toutes les décisions qui concernent les agriculteurs : « La prochaine série de CDN et de plans nationaux climatiques doit renforcer une ambition crédible et des actions pour l'agriculture grâce à l'engagement actif des agriculteurs dans la définition des objectifs et des priorités. » En effet, le terrain est prêt, les pays se sont engagés, nous sommes en mesure de rappeler leur engagement.
Aussi, les Champions de haut niveau pour le climat des Nations Unies (HLCs) ont collaboré avec les Acteurs Non-Étatiques - des agriculteurs et pêcheurs aux entreprises, aux villes, à la société civile, aux consommateurs et à tous ceux impliqués dans les systèmes alimentaires - pour élaborer un Appel à l'action des Acteurs Non-Étatiques en vue de transformer les systèmes alimentaires au profit des personnes, de la nature et du climat. Voilà ce qu'ils disent et demandent : « Nous devons renforcer les capacités des organisations qui représentent les acteurs des systèmes alimentaires de première ligne, afin de leur permettre de s'engager de manière significative dans les négociations sur le climat et dans d'autres processus pertinents qui les concernent, et de co-concevoir des outils, des incitations et un soutien technique adaptés au niveau local ».
Les mentalités changent, le regard vers des capacités traditionnelles de durabilité s'intensifie. À la COP 28 déjà, des side-events ont prouvé l'augmentation des recherches, la considération des savoirs ancestraux. Le caSSECS (projet de recherche et développement en soutien à l’innovation pour la résilience des élevages pastoraux et agropastoraux et agropastoraux), lors d'un side-event, a présenté le bilan carbone de l'agropastoralisme, un système d'élevage vertueux. Il a été démontré par la publication d'une note d'orientation que la pratique de l'agropastoralisme était plus un puits de carbone qu'un émetteur et que cette pratique, en plus de nourrir les populations, contribuait à la restauration des terres au Sahel.
Néanmoins, il est maintenant important et encourageant de pouvoir s'impliquer dans un plaidoyer actif. En effet, les acteurs non étatiques ont la possibilité de faire entendre leur voix et ainsi de capter plus de financements, surtout dans le cadre de la Grande Muraille Verte. L'agriculture, la sécurité alimentaire, le climat sont des piliers de la GMV. La formalisation de l'agriculture à l'agenda climatique est l'opportunité d'inscrire la GMV au centre de tous les CDN et les plans d'adaptation des pays sahéliens, en créant des coalitions, par exemple, tout en application de la déclaration signée au début de la COP.
Ici les pays signataires de la Déclaration des Emirats Arabes Unis sur l’agriculture durable et les systèmes alimentaires résilients et l’action climatique :