Une « ceinture verte de Dakar à Djibouti » qui longe le désert du Sahara. C’est un terme que vous avez certainement déjà entendu ou lu, pour illustrer l’Initiative de la Grande Muraille Verte (GMV). Aujourd’hui, la Grande Muraille Verte, un initiative continentale portée par l’Union africaine vise à transformer les régions arides d'Afrique en zones résilientes sur les plans social, économique et écologique.
Jusqu’ici la plateforme des partenaires de la GMV (PaneGMV) a mis en lumière des projets portés par des acteurs non étatiques en Afrique de l’Ouest en particulier au Burkina Faso, au Sénégal ou au Niger. Aujourd’hui nous orientons notre regard vers Djibouti, dans l’extrême est du continent. En effet, la société civile djiboutienne ne manque pas d’idées et s’active sur le terrain pour développer de nombreuses initiatives dans l’un des pays les plus petits d’Afrique, d’une superficie de 23 200 kilomètres carrés.
Celles-ci répondent aux objectifs de la Grande Muraille Verte dans un paysage singulier mais confrontés aux mêmes problématiques que d’autres pays sahéliens. Afin de continuer à valoriser les projets des membres de la plateforme, plongeons ensemble dans l’univers de Djibouti, ses paysages, et ses spécificités. Découvrez, comment « le projet d’introduction et du développement du figuier de Barbarie » mené par l’association PARI et le « programme » ADIL, piloté par le conseil régional d’Ali-Sabieh, contribuent à l’amélioration des conditions de vie de milliers de personnes.
Djibouti, un territoire unique de la région sahélienne
Djibouti est situé sur la côte est de l'Afrique, à la lisière de la bande sahélienne, et partage ses frontières avec l'Éthiopie, l'Érythrée et la Somalie. Bien que petit, le pays offre une grande diversité de paysages : des terres arides et désertiques aux plaines côtières et montagnes rocheuses, en passant par des reliefs escarpés façonnés par une activité volcanique et sismotectonique.
Le climat de Djibouti est désertique et chaud et les précipitations annuelles très irrégulières, généralement inférieures à 200 mm. Ces conditions climatiques extrêmes ont donné naissance à des écosystèmes résilients, comme les savanes herbeuses et les steppes désertiques. Dans ce contexte, l’accès à l’eau douce est un défi majeur. Le pays abrite des lacs spectaculaires, tels que le lac Assal, l’un des points les plus bas de la terre, et le lac Abbe. Toutefois, ces lacs hypersalins sont inutilisables pour l’agriculture ou la consommation humaine. Les rares cours d’eau sont souvent saisonniers, et la majorité des ressources en eau provient de puits ou de sources artésiennes, rendant l’approvisionnement en eau une priorité pour le développement durable.
Comme ses voisins de la Grande Muraille Verte, Djibouti fait face à la désertification, exacerbée par les changements climatiques et l’augmentation des besoins de la population rurale. En dépit de ces conditions difficiles, le pays possède une biodiversité étonnamment riche, avec des espèces végétales et animales adaptées à des environnements extrêmes.
L’équipe de la PaneGMV est allée à la rencontre de deux acteurs de terrain qui portent des projets répondant aux problématiques spécifiques de leur territoire. Nous les avons interrogés sur leur travail afin de comprendre comment leurs projets s’inscrivent dans la Grande Muraille Verte.
Un projet de coopération décentralisée entre la France et Djibouti pour « embellir et verdir » Ali-Sabieh
Le Département de Charente-Maritime en coopération et les cinq régions de Djibouti se sont associés dans le cadre du programme ADIL (Appui à la Décentralisation et aux Initiatives Locales) mené par Expertise France. Le projet vise à centraliser les questions environnementales à Ali-Sabieh, en particulier celles concernant la gestion des déchets et le verdissement de la région. Nous avons interrogé Louis Moughtar, volontaire envoyé par France Volontaires dans le cadre du programme « Volontaires pour la Grande Muraille Verte ».
PaneGMV : Pouvez-vous présenter votre projet et mission ?
Louis Moughtar : Ma mission consiste en premier lieu à mettre en œuvre une stratégie de gestion des déchets déjà élaborée à l’échelle de la région, opérationnaliser et commercialiser la pépinière régionale et mettre en place un projet de végétalisation des cours d’écoles. Ces actions s’inscrivent dans une logique de développement et de mise en œuvre d’une stratégie « Embellissement et verdissement » de la région et de la ville d’Ali-Sabieh.
PaneGMV : Quels défis avez-vous rencontré lors de la mise en œuvre ?
Louis Moughtar : En ce qui concerne la mise en œuvre stratégique de gestion des déchets, le plus grand défi est de convaincre les acteurs locaux impliqués de l’importance du diagnostic afin de proposer des solutions adaptées, ce qui passe par une sensibilisation. Pour la pépinière, l’un des challenges est de disposer de personnel qualifié et de ressources pour la rendre pleinement fonctionnelle. J’ajouterai qu’un défi spécifique à Djibouti reste la problématique des animaux en divagation qui posent obstacle à la restauration des paysages par l’agriculture. Pour l’ensemble de ces défis, la solution réside dans l’échange, la concertation, ainsi que la pédagogie sur l’importance de mener des enquêtes sur les différents territoires.
PaneGMV : En quoi votre projet est une contribution à la GMV ?
Louis Moughtar : Au-delà de l’amélioration du cadre de vie environnemental pour des milliers de personnes, la production de documents stratégiques et la recherche auprès des acteurs locaux sont des outils cruciaux pour le renforcement des politiques locales en matière de gestion des déchets. Cela, contribue à "développer les capacités et l'échange de connaissances pour le renforcement des compétences et les changements comportementaux", tout en établissant un cadre de gouvernance efficace et propice à la résilience, conformément aux objectifs de la Grande Muraille Verte.
Le figuier de barbarie : une plante aux multiples vertus dans la région de Tadjourah
Le projet d’introduction et de développement du figuier de Barbarie dans la région de Tadjourah, dans le bassin versant de Weïma, est porté par l’association PARI. Depuis son lancement en 2014 à partir de quelques raquettes, PARI a fait pousser des milliers de raquettes de figuier, avec un taux de réussite de 99%. En 2023, l'association a reçu un financement de l’Union Européenne pour développer 30 000 pieds de figuier de Barbarie. En 2024, PARI a signé un partenariat avec l’unité du projet PGIRE pour planter des raquettes dans 15 localités rurales, visant à améliorer l’alimentation du bétail et renforcer la résilience environnementale. PARI utilise également son expertise pour sensibiliser la communauté djiboutienne à l'importance de cette plante pour la protection et la restauration de l'environnement.
Les raquettes du figuier de Barbarie (Association PARI)
PaneGMV : Pouvez-vous présenter votre projet ?
PARI : Nous souhaitons introduire et développer le figuier de Barbarie, une plante reconnue pour ses capacités de stockage de l’eau, ainsi que ses vertus nutritionnelles et médicinales. Notre projet vise à renforcer la résilience des communautés rurales face aux effets du changement climatique, à lutter contre la dégradation des sols, et à développer des opportunités socio-économiques tout en combattant l’insécurité alimentaire. En introduisant le figuier de Barbarie, le projet contribue à la durabilité environnementale et socio-économique, tout en renforçant les capacités locales pour faire face aux défis climatiques.
PaneGMV : Quels défis avez-vous rencontré lors de la mise en œuvre ?
PARI : Nous avons été confrontés à un manque de moyens pour déployer le projet sur de grandes étendues et dans l’ensemble du pays. Nous avons donc opté pour une approche progressive et participative basée sur l’apprentissage et la démonstration. Aussi nous avons mobilisé les communautés locales pour une sensibilisation à travers des campagnes de terrain et des démonstrations. Nous avons également rencontré des difficultés pour la conversion des raquettes en aliments pour le bétail et la transformation en produits dérivés. Nous avons pallié aux défis par la formation et le renforcement de capacités sur les techniques de gestion durable des terres et la plantation de figuiers de Barbarie. Aujourd’hui, nous avons plus de soixante mille pieds de figuier de Barbarie dans notre pépinière.
PaneGMV : En quoi votre projet est une contribution à la GMV ?
PARI : le projet contribue aux objectifs de la Grande Muraille Verte de plusieurs manières. Tout d’abord, en restaurant 15 hectares de terres, il favorise la régénération naturelle de la biodiversité. La plantation de 30 000 figuiers de Barbarie aide à protéger les sols, à retenir l'eau et à fournir des ressources alimentaires pour le bétail, renforçant ainsi la résilience des communautés rurales. On peut ajouter que le projet stimule les économies locales et offre des perspectives de développement durable. Enfin, le projet s'aligne avec les objectifs de la GMV : en introduisant le figuier de Barbarie, nous contribuons à la durabilité environnementale et socio-économique, tout en améliorant les capacités locales pour faire face aux défis climatiques.
Deux projets Grande Muraille Verte adaptés aux enjeux et préoccupations des acteurs locaux
Dans des registres distincts, ces initiatives s'inscrivent bien dans les objectifs de la Grande Muraille Verte, visant à transformer la vie des populations vivant dans les régions arides d'Afrique. La promotion de l’utilisation du figuier de Barbarie permet de stabiliser des terres, de les rendre à nouveau productives et de mieux gérer les ressources en eau si rares à Djibouti. Cette action est une contribution directe aux défis de la production agricole et de la restauration des terres, qui utilise le renforcement des capacités locales pour faire face aux défis climatiques. De même, avec la mise en œuvre de la "stratégie de gestion des déchets" et l'élaboration d'une "stratégie embellissement et verdissement" des écoles de la région, le projet d’Ali-Sabieh contribue à l'amélioration du cadre de vie de milliers de personnes, en favorisant la diffusion et le partage de connaissances utiles et de bonnes pratiques.
Ces deux projets ne sont pas inscrits dans la stratégie nationale de Djibouti pour la GMV et ne sont pas officiellement reconnus par les institutions en charge de la Grande muraille verte à Djibouti. Pourtant ils démontrent le dynamisme des acteurs non étatiques à Djibouti et leur volonté de contribuer à leur manière à cette grande initiative qui les inspire. C’est le rôle de la PANEGMV de donner de la visibilité à ces initiatives et de suggérer qu’en les coordonnant dans le cadre d’une stratégie plus inclusive, la Grande muraille verte gagnerait en notoriété et en efficacité.
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